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Colloque « Le Fichier »

26 et 27 novembre 2015

Bilan scientifique

Après une année de préparation, le colloque consacré au thème du « Fichier » a pu se tenir aux dates prévues, les 26 et 27 novembre 2015, avec la présence des intervenants invités.

Des universitaires, des étudiants et des professionnels ont assisté à la manifestation. Cette dernière a également intéressé la presse, en atteste la présence d’une journaliste de la République du Centre qui a réalisé une interview de l’un des intervenants, publiée dans le journal du 27 novembre 2015. On peut donc établir un bilan satisfaisant de l’intérêt suscité par cette recherche scientifique sur « Le Fichier ».

Le thème du Fichier avait été envisagé à une époque très riche en actualités : l’affaire Snowden révélant les programmes de surveillance de masse des services de renseignement américains (en particulier la NSA) ; les controverses autour des grandes multinationales de l’Internet, collectant massivement des données personnelles pour constituer des fichiers à des fins d’exploitation économique ; des contentieux spectaculaires, voyant par exemple l’Education nationale condamnée pour les fichiers constitués illégalement sur les élèves (les affaires dites « Base Elèves »).

Aussi, on pouvait relever que les fichiers avaient une triple vocation : la surveillance, l’administration et l’exploitation économique.

Voilà pourquoi le colloque a été structuré en trois temps : « Ficher pour surveiller et punir » ; « Ficher, c’est encore administrer » ; « Ficher car le savoir lui-même est pouvoir économique ».

L’actualité postérieure au lancement de la recherche du colloque a largement confirmé, parfois à notre grand regret, l’acuité de notre sujet. Par exemple, on peut évoquer la médiatisation très forte des fichiers de surveillance à la suite des attentats de Charlie Hebdo et du 13 novembre, en particulier les fameuses « Fiches S ». On ne peut occulter non plus les grandes controverses suscitées par la loi relative au renseignement, votée le 24 juillet 2015. Plus récemment encore, on peut parler de la décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne qui, le 6 octobre 2015, censure l’accord « Safe Harbour » organisant le transfert des données personnelles de citoyens européens vers les Etats-Unis.

 Pour traiter des thèmes aussi différents que la surveillance, l’administration générale et l’exploitation économique, il fallait nécessairement une approche pluridisciplinaire faisant appel à un large éventail d’intervenants : au total, 19 intervenants ont été réunis pour évoquer les différentes facettes du fichier.

Il faut insister sur la diversité des intervenants : universitaires spécialisés en droit public, universitaires spécialisés en droit privé, universitaires spécialisés en droit international et droit européen, universitaire spécialiste du management, magistrat de l’ordre judiciaire… Au-delà des spécialités, nous avons pu bénéficier d’une diversité géographique intéressante, les intervenants venant des universités Paris II Panthéon-Assas, Versailles Saint-Quentin, Orléans, Aix-Marseille, Rouen, Lyon III, Montpellier I, Lille II, Pau et des Pays de l’Adour, Paris Ouest Nanterre La Défense…

Les retombées scientifiques du colloque furent très riches.

S’agissant de la demi-journée consacrée au thème « Ficher pour surveiller et punir », il a été montré, après une mise en perspective historique, que le fichier était un instrument de contrôle très puissant, à travers les fichiers des services de renseignement, ceux d’Interpol ou encore le fichier PNR propre aux passagers européens. Cette puissance n’a cependant pas occulté certaines faiblesses, notamment techniques, de ces fichiers. Les contrôles opérés sur ces fichiers ne sont pas apparus très puissants, notamment celui du juge international ou du Conseil constitutionnel, avec des difficultés liées à l’ingérence dans la vie privée. Si le juge contrôle les fichiers de façon tempérée, ces outils sont très précieux au juge pénal pour réprimer les infractions.

Concernant la demi-journée relative au thème « Ficher c’est encore administrer », une intervention magistrale a pu fixer les grandes fonctions du fichier, « constituer une mémoire administrative », « contrôler et surveiller via la collecte d’informations nominatives concernant tout ou partie de la population », « rationaliser la fourniture de prestations de service public ». Après cette intervention matricielle, il a été montré successivement que les fichiers aidaient à la rationalisation de l’offre de service public et que les fichiers pouvaient être aussi des instruments de financement du service public, grâce à la vente de données. A l’instar des communications de la première demi-journée, un intervenant a pu souligner que le contrôle de ces fichiers administratifs était relatif. Cependant, la matinée s’est conclue sur une note plus optimiste, montrant que, si l’on renverse la perspective, le fichier peut aussi être vu comme le moyen pour une personne d’être reconnue comme membre d’une société, d’où certes des devoirs, mais aussi des droits et des prestations.

Le colloque s’est achevé sur le thème « Ficher car le savoir lui-même est pouvoir économique ». La réflexion a débuté sur la question de la propriété du contenant qu’est le fichier, mais aussi du contenu du fichier que sont les données. Il a été souligné les limites juridiques actuelles sur cette question de l’appropriation, sources de difficultés futures, qui posent même la question de l’intérêt de recourir à la notion de propriété sur ce sujet. Après cette intervention inaugurale, les communications ultérieures ont pu décliner comment le fichier pouvait être vecteur de pouvoir économique : d’abord car il permet, dans l’optique de l’intelligence économique, de constituer des dossiers sur ses concurrents, clients et fournisseurs, d’où une adaptation de l’offre, ce qui a pu être illustré dans le domaine des assurances ; ensuite, car il autorise un contrôle sur les salariés ; enfin, car il ouvre la voie à un fichage des « indésirables » pouvant entraver la bonne marche des affaires. La réflexion s’est conclue sur le peu de marge de manœuvre de l’internaute face au fichage de ses données personnelles lors de ses navigations, au profit des multinationales de l’Internet.

 Cette recherche d’ampleur sera concrétisée par la publication d’un ouvrage. A ce titre, il nous faut souligner que c’est la prestigieuse maison d’édition juridique LGDJ (Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence) qui assurera cette publication, après manifestation de son intérêt pour la recherche menée. Nous aurons l’honneur d’une publication dans la collection « Grands Colloques ».

Au vu de la très grande richesse des travaux menés, nous ne pouvons que renouveler nos plus sincères remerciements aux partenaires qui ont bien voulu croire en cette recherche et permettre la concrétisation de cette étude consacrée au Fichier par leur soutien.

 

Fouad Eddazi et Stéphanie Mauclair

Maîtres de conférences à l’Université d’Orléans

Co-organisateurs du colloque « Le Fichier »

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